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Le
rabbin de Bombay
J’ai
eu la chance de rencontrer le Rabbin Gabriel Holtzberg et son
épouse lors d’un séjour à Bombay en
2007.
Je
devais me rendre à un salon professionnel à Bombay
à un moment où je devais réciter le Kaddish
pour mon Père. J’avais alors pris contact avec le
Rabbin afin qu’il me confirme que je trouverai bien un minyan
quotidien à Bombay. Il me rassura, et, sans que je le lui
ai même demandé, m’invita à prendre
tous mes repas au Beth Habbad.
Dès
mon arrivée, je me présentais donc au Beth Habbad,
pour vérifier que tout était en ordre.
Si
le concierge de l’hôtel Taj, où je restais,
me confirma qu’il savait où se trouvait le Beth Habbad,
j’eus plus de mal avec le taxi, et pour cause, la rue qui
y menait était entièrement défoncée
pour des travaux de voirie, et la petite rue du Beth Habbad n’était
pas accessible pour les petits taxis de Bombay.
C’est
un jeune Rabbin souriant qui m’accueillit. Mais quand je
me présentais en lui demandant de me confirmer que nous
aurions bien un minyan quotidien, je vis à sa mine que
les choses était plus compliquées que prévues.
Il m’expliqua que l’arrivée de la mousson avait
fait partir les touristes, et donc, que le minyan serait plus
difficile à organiser. Mais, très positif, il me
garantit qu’il allait se débrouiller.
Le
lendemain matin, le minyan était là, le surlendemain
aussi, et ainsi chaque jour.
Je
réalisais bien vite les innombrables coups de téléphone
qu’il avait dû donner pour arriver à trouver
dix hommes dans Bombay.
Diamantaires,
hommes d’affaires américains, étudiants, touristes,
jeunes israéliens de retour de Goa, européens, sud
américains, et juifs indiens, chacun avait répondu
à l’appel du Rabbin Gabriel Holtzberg et ainsi, chaque
jour le monde entier se réunissait dans la petite salle
du Beth Habbad.
Après
l’office on nous proposait une petit déjeuner, puis
nous étions conviés à revenir pour les repas
de midi et du soir.
L’atmosphère chaleureuse de ces repas offerts à
quiconque entrait au Beth Habbad en faisait des moments privilégiés
de grande convivialité.
C’est
dans ces moments que j’ai pu comprendre comment le rabbin
et sa femme étaient appréciés par leurs visiteurs.
La plupart d’entre eux venaient régulièrement
au Beth Habbad, soit pour y chercher du réconfort, un enseignement,
de la nourriture, la possibilité de parler hébreu.
Tout le monde les appelait affectueusement par leur prénom,
et ils avaient une attention égale pour tous. Tous les
deux rayonnaient d’une lumière incroyable. Les habitués
venaient tous me voir pour me dire combien ils étaient
redevables à ce jeune couple.
Bombay
est une ville d’orient, avec ses odeurs, sa chaleur, sa
misère. La petite rue dans laquelle était le Beth
Habbad était en terre battue, à côté
d’un marché dont je vous laisse imaginer l’état.
Mais à peine arrivait t’on au premier étage
de leur petit immeuble que l’on avait complètement
oublié où l’on était, et l’on
était transporté dans une maison habitée
par la émouna. Pas de doute que quiconque est passé
par cette maison s’y est senti immédiatement chez
lui.
La
émouna, la foi, avec laquelle ce jeune couple avait accepté
la mission que lui avait confiée le Beth Loubavitch était
extraordinaire. Pourtant découragés, paniqués
même, à leur arrivée, Rivki m’avait
raconté qu’ils avaient décidé que si
on les avait envoyés là, c’est qu’il
fallait qu’ils aillent jusqu’au bout de leur mission.
Malgré de grandes épreuves personnelles, ils avaient,
en deux ans, réussit à monter un petit centre communautaire,
véritable havre de paix, de Thora et de Hessed.
En
dehors du centre et de l’accueil des visiteurs, leurs activités
étaient sans limites:
Cacherout, abattage rituel, circoncision, enseignement, dernier
devoir, restaurant, bar mitsvah, tout, absolument tout était
de leur ressort. Par manque de minyan, la communauté vieillissante
de Bombay avait même confié les offices du Shabbat
au Rabbin, dans la Grande Synagogue Sassoon.
Un
juif décède à New Dehli, le Rabbin prend
l’avion, donne les bakchich qu’il faut et ramène
le corps pour qu’il ne soit pas enterré en fosse
commune. Un jeunes israélien paumé dans son périple
indien, ils le prennent en charge, appellent la famille en Israël,
assurent son rapatriement. L’éducation des quelques
derniers jeunes qui restent à Bombay, la table ouverte,
les offices, les repas chabbatiques, le jeune couple est sur tous
les fronts, avec un sourire, une bonne humeur, une chaleur et
une disponibilité permanente.
Chaque
jour je passais de nombreuses heures avec le rabbin, son épouse
et tous les visiteurs.
En une longue semaine j’ai vu passer des dizaines de personnes,
de nouveaux arrivants chaque jour. Chaque visiteur était
heureux d’être là. Pourtant, la salle principale,
à la fois synagogue, salle à manger et salon était
des plus modestes. Mais le Rabbin et sa femme rayonnaient tellement
naturellement qu’on oubliait instantanément qu’on
était dans l’une des plus grande mégalopole
du monde, aux 15 millions d’habitants dont la moitié
vivent dans la rue.
Comme
moi, chaque personne qui est passée par le Beth Habbad
est redevable à Gabriel et Rivki Holtzberg d’un moment
de bonheur ou de réconfort, d’aide spirituelle ou
matérielle, d’une écoute attentive ou d’une
leçon de vie.
Leur
perte est une immense perte pour le peuple juif, ils laisseront
dans la mémoire de tous ceux qui les ont approchés
le souvenir de vrais Tzadikkim. Leur fin tragique, Al Kiddouch
Hachem les inscrits définitivement dans l’histoire
du peuple Juif comme des êtres exceptionnels.
Des
milliers de personnes sont passées par le Nariman House
en cinq ans, chacun en est reparti transformé. Impossible
de côtoyer ces deux êtres de lumière sans devenir
un peu meilleur soi-même. Gabriel et Rivki Holtzberg ont
donné un peu de leur lumière à tous ceux
qui les ont rencontrés. Nul doute qu’aujourd’hui
ces milliers de personnes pleurent leur disparition et s’associent
à la peine inconsolable de leurs familles.
©Denis
Elkoubi pour Guysen International News
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