Le Coin Culture de Charles

Je vous parle aujourd’hui du documentaire, « Vie et destin du « Livre Noir » réalisé par Antoine Germa et Guillaume Ribot avec les voix de Denis Podalydès, Mathieu Amalric et Hippolyte Girardot.

Ce documentaire est passé Dimanche 13 décembre sur France 5 et il est encore disponible en « Replay » pour ceux qui disposent de ce système. Mais  il est sans doute destiné à être rediffusé sur les chaînes de France Télévision et il est déjà  possible de le voir avec le lien suivant : La case du siècle – Vie et destin du Livre noir, la destruction des Juifs d’URSS en streaming – Replay France 5 | France tv.

Alors surtout ne le ratez pas.

Le documentaire de France 5

Vie et destin du « Livre Noir » par Antoine Germa et Guillaume Ribot avec les voix de Denis Podalydès, Mathieu Amalric et Hippolyte Girardot.

 « L’histoire du Livre noir est une histoire de terreur et d’amnésie », nous prévient le film.  En 1941, l’Union soviétique est envahie, l’heure est à l’union sacrée, et Staline, prêt à toutes les concessions, accepte la création d’un Comité antifasciste juif, le CAJ. L’acteur et directeur de théâtre de langue yiddish Solomon Mikhoels (1890-1948) en sera le visage et le président. En août 1941, le comité constitutif du CAJ appelle les Juifs du monde entier à résister aux Allemands et à secourir l’Union soviétique. Au cours d’une tournée aux États-Unis, une délégation du CAJ rencontre en 1942 Albert Einstein qui suggère de constituer Le Livre noir des atrocités commises par les Allemands sur la population juive d’URSS. Près de cinq millions de Juifs vivent en effet sur le territoire soviétique, puisque aux trois millions de ses anciennes frontières sont venus s’ajouter les ressortissants juifs de Pologne orientale, des pays Baltes, d’une partie de la Roumanie, annexés en 1939 et en 1940. Des forces mobiles spéciales opérant à l’arrière de la Wehrmacht sont chargées d’assassiner systématiquement les cadres communistes et les Juifs, et plus de huit cent mille Juifs, qui n’ont pas été évacués à temps, adultes et enfants, parqués dans des ghettos, affamés, torturés, déportés, sont ainsi fusillés, gazés, brûlés vifs…

 La réalisation de ce Livre noir est confiée à Vassili Grossman (1905-1964) et Ilya Ehrenbourg (1891-1976), deux écrivains correspondants de guerre assistés par une “brigade” d’une quarantaine de confrères, ce dont ils s’acquittent avec méticulosité et détermination.

Hélas, la guerre terminée, les priorités ont changé, Mikhoels est assassiné par le KGB en 1948 et tous les membres du CAJ seront condamnés à mort, exécutés d’une balle dans la tête en 1952 sur des accusations fantaisistes d’espionnage, prélude à une vague de paranoïa antisémite qui secouera l’URSS et ne s’éteindra qu’à la mort de Staline, en 1953.

L’édition russe du “Livre noir” ne paraîtra pas. Le KGB et le Kremlin reprochent au livre de mentionner la participation de collaborateurs locaux au génocide. Pire, il singularise la souffrance juive par rapport à celle des autres peuples de l’Union. Après la guerre, faire allusion à la Shoah devient un symptôme de « nationalisme juif agressif ». Après l’écroulement de l’URSS et grâce à Irina Ehrenbourg, la première édition intégrale en russe du Livre noir a enfin pu être publiée en 1993 à Vilnius.

A travers l’histoire du Comité antifasciste juif et celle du Livre noir, les auteurs du documentaire, Antoine Germa et Guillaume Ribot, offrent un concentré saisissant de l’histoire des juifs d’URSS. Intelligent et érudit, leur film dresse aussi le portrait, magnifique et sensible, de trois hommes exceptionnels, Mikhoels, Grossman, Ehrenbourg, se débattant entre les fantômes des millions de disparus et l’ombre des tourmenteurs de la Loubianka. Communistes convaincus, ils n’accordent, à l’exception de Mikhoels, que peu d’importance à leur judéité. Ecrivains, correspondants de guerre adulés, Grossman et Ehrenbourg ne vibrent que pour la sauvegarde de l’URSS. Mais, patriote à Stalingrad, Vassili Grossman se découvre juif à Treblinka. Sa rencontre avec l’héroïsme, mais aussi l’hypocrisie et la terreur soviétiques, lui inspirera son chef-d’œuvre, Vie et Destin (achevé en 1962, publié en 1980), un ouvrage exceptionnel, dont on cite souvent « La dernière lettre » (chapitre 17),  et qui est considéré comme l’un des plus grands livres du XXème siècle.