Rafle du Vel d’Hiv et hommage aux Justes – 16 juillet 2020

Mes Chers Amis

Étant donné le contexte de la Covid, j’ai trois minutes pour trois messages.

Tout d’abord dire merci à trois présidents de la République qui ont remis les pendules à l’heure sur l’Histoire de la France. Ils ont enfin dit la vérité sur la responsabilité de la France dans le processus de destructions des juifs, initié par les nazis.

Jacques Chirac 16 juillet 1995 :

« La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. »

Puis le président François Hollande a aussi trouvé les mots pour dire

« Ce crime fut commis en France, par la France et ce crime fut aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs ».

Enfin le président Emanuel Macron en 2017

« Alors oui, je le redis ici, c’est bien la France qui organisa la rafle puis la déportation et donc, pour presque tous, la mort des 13 152 personnes de confession juive arrachées les 16 et 17 juillet 1942 à leur domicile. Je récuse les accommodements et subtilités de ceux qui prétendent que Vichy n’était pas la France. Vichy, ce n’était pas tous les Français, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France».

Ces trois présidents ont compris que ce sont les mensonges qui nous détruisent alors que nous croyons souvent qu’ils sont indispensables à notre survie.

Ensuite je vais vous faire un aveu autobiographique. Fils de déporté, connaissant les conditions d’arrestation de mon père, parti en Allemagne par le convoi du 2 septembre 1943, une question me hante depuis l’enfance : la question de la fuite, de l’évasion.

Le tiers des personnes arrêtées lors de la rafle du Vel d’hiv était des enfants : 4000. Dès lors me serais-je enfui ? Comment m’enfuir ? Pourquoi m’enfuir ?

Derrière cette triple interrogation d’enfant se cache la question plus générale de notre réaction en situation extrême.

Bien évidement je n’ai pas la réponse mais mon confrère médecin psychiatre Boris Cyrulnik répond à cette question dans son autobiographie. Il parle de la rafle de janvier 1944 à Bordeaux. Il est enfermé avec tous les autres juifs dans la synagogue. Il a 6 ans, sans ses parents déjà déportés en 1942 et 1943, il est totalement seul. Il se cache dans les toilettes mais pourquoi ne s’est-il pas soumis à une loi absurde ?

Boris Cyrulnik raconte :

« Ce qui explique le déclenchement de la résilience, c’est l’insoumission. En ce qui me concerne je pense que j’ai eu la force de désobéir. En effet je me rappelle très bien que les enfants étaient groupés dans la synagogue autour d’une couverture et de boites de lait Nestlé, un prétexte pour faire croire à une démarche humanitaire, alors que ces objets étaient en réalité destinés à les attirer pour les diriger vers un wagon et les déporter. J’avais déjà le gout de la désobéissance et déjà je savais qu’on ne doit pas se soumettre à toutes les lois, même si elles viennent des adultes ».

Voilà l’enfant Boris qui nous dit que le qualificatif « rebelle » ce n’est pas s’opposer à tout, c’est se déterminer par rapport à soi.

Enfin si la résilience c’est l’insoumission, c’est aussi un refus de la résignation, un refus de la fatalité du malheur. La résilience c’est un refus des passions tristes de Spinoza. Il y a un temps pour la haine, la peur, la colère mais elles ne peuvent pas rester indéfiniment.  Mais la peur nourrit aussi le départ de 60 000 français depuis 10 ans vers Israël. L’antisémitisme est la cause principale de l’Alyah des juifs de France.

L’antisémitisme et son trépied idéologique : l’extrême-droite du « détail de l’Histoire », l’islamisme radical et l’antisionisme de l’extrême-gauche.

Mmes et Mrs les représentants de l’Etat et dirigeants politiques, quand passe sur votre bureau un dossier concernant notre sécurité, notre vie culturelle, nos colloques intellectuels, votre signature pérennise la présence des juifs en France.

Oui, la résilience c’est le refus de la fatalité du malheur. Mais sans naïveté, sans amnésie, nous devons nous souvenir.

Hommage soit rendu à vous participants à cette cérémonie qui, aujourd’hui encore, surmontez la tentation de la lassitude pour redonner chair et vie, l’espace d’un moment, aux milliers d’âmes envolées dans un autre monde, les Luftmensch devenus Luft. Les hommes d’esprit devenus poussières.

Nous sommes rassemblés ici, frères humains, dans une Communauté de destin, de pensée, d’esprit et de cœur. Nous avons un amour pour la République et la démocratie. Pour la Liberté mais elle a un prix.

Je conclurai avec Victor Hugo :

« Tout ce qui augmente la liberté, augmente la responsabilité. »

Je vous remercie de votre attention