Aujourd’hui place à la poésie avec un texte célèbre de Mordechaï Gebirtig.*
Notre ville flambe
–
Ça flambe, mes frères, ça flambe,
C’est notre ville, hélas, qui flambe,
Des vents cruels, des vents de haine
Soufflent, déchirent, se déchaînent
Les flammes sauvages s’étendent
Aux environs déjà tout flambe.
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Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Les mains immobiles,
Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Brûler notre ville…
–
Ça flambe, mes frères, ça flambe,
C’est notre ville, hélas, qui flambe,
Et les flammes carnassières
Dévorent notre ville entière
Et les vents de colère hurlent
Notre ville brûle.
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Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Les mains immobiles,
Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Brûler notre ville…
–
Ça flambe, mes frères, ça flambe,
Oh l’heure peut venir, hélas
Où notre ville et nous ensemble
Ne serons plus rien que des cendres,
Seuls resteront, comme après une guerre,
Des murs noircis, des murs déserts.
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Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Les mains immobiles,
Et vous, vous êtes là, vous regardez,
Brûler notre ville…
–
Ça flambe, mes frères, ça flambe,
Il n’est de salut qu’en vous-mêmes,
Prenez les outils, éteignez le feu,
Eteignez-le de votre propre sang.
Vous le pouvez, alors prouvez-le !
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Ne restez pas ainsi, frères, à regarder
Les mains immobiles,
Frères, n’attendez pas, éteignez l’incendie
Qui brûle notre ville.
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* De son vrai nom Bertig, Mordechaï Gebirtig est né à Cracovie en 1877 et mort en déportation en 1942. Il a écrit ce poème en yiddish, en 1938, à la suite d’un pogrom dans la ville polonaise de Pzytyk.