Je voudrais vous parler aujourd’hui d’un grand, un des plus grands du siècle écoulé: poète, auteur-compositeur-interprète, musicien, romancier, peintre,… Il s’agit de Leonard Cohen, un des artistes canadiens les plus honorés.
Leonard Norman Cohen (de son nom hébraïque Eliezer ben Nisan ha’Cohen) est né dans une famille juive aisée d’ascendance polonaise en 1934 à Westmount dans la banlieue de Montréal. Son grand-père paternel, Lyon Cohen, fut le premier président du Congrès juif canadien et fonda le Canadian Jewish Times, premier journal juif de langue anglaise publié au Canada. Son grand-père maternel, Solomon Klinitsky-Klein, était rabbin. Leonard grandit donc dans une ambiance très religieuse, où l’on répète souvent au jeune enfant qu’il descend du grand-prêtre Aaron10.
Mur d’un bâtiment de Montréal recouvert de la photo de Léonard Cohen
(C’est sans doute la raison pour laquelle il respectait toujours le chabbat, même en tournée, et pour laquelle il est allé chanter pour les troupes israéliennes, en 1973, pendant la guerre du Kippour).
Son premier recueil de poésies paraît à Montréal en 1956 et son premier roman en 1963. Les premières chansons de Cohen (principalement celles de Songs of Leonard Cohen, 1967, avec les tubes Bird on the Wire, Story of Isaac et The Partisan, le premier titre que Leonard Cohen chante en français.) sont ancrées dans la musique folk, et chantées avec une voix de baryton.
Suivront plus d’une dizaine d’albums, acclamés dans le monde entier, et dans lesquelles Cohen reprend souvent les mêmes thèmes : la religion, la solitude, la beauté, l’amour et la complexité des relations interpersonnelles, le pouvoir, la mort.
S’il parle beaucoup d’amour dans ses poèmes, la vision créative de Leonard Cohen sur les plans musical et littéraire peut aussi être très sombre et pessimiste. Tourmenté par la Shoah, les images du génocide nazi s’infiltrent constamment dans ses écrits et les conditionnent.
La poésie et les chansons de Cohen ont influencé beaucoup d’autres auteurs-compositeurs-interprètes, et on compte à l’heure actuelle plus de 1500 reprises de ses chansons.
Artiste sage, spirituel, bohème et romantique, il se questionne constamment sur la condition humaine et se caractérise par la force de ses images, la sensualité de sa langue et la profondeur de ses paroles. Il les chante d’une voix grave qui s’intensifie et assombrit avec l’âge, sur des mélodies simples mais marquantes.
Quand il est mort, le 7 novembre 2016 à Los Angeles à 82 ans, « le monde entier pleurait ». Son œuvre a touché de nombreuses générations et continuera encore longtemps de nous émouvoir.
Dans l’une de ses dernières et plus belles chansons, écrite et publiée peu de temps avant sa mort, il déclare fièrement : « Hineni hineni, I’m ready my lord » ! (Me voici me voici, comme la réponse d’Abraham à l’appel de Dieu, je suis prêt mon Dieu). Il y reprend la traduction en Anglais des premières phrases du Kaddish, les arrangements étant assurés par le cantor et les chœurs de la Synagogue de la congrégation Shaar ha shomayim .
Signalons sa dernière publication (posthume), The Flame, une sorte de livre testament, magnifique témoignage de la constante créativité de Cohen, dans lequel son fils a rassemblé des poèmes, dessins, notes, à partir de ses carnets : un dernier cadeau, plein de vie.
V.O. : Story of Isaac
Lentement la porte s’ouvrit
Mon père fit son entrée
J’avais neuf ans alors
Et devant moi il était si grand
Ses yeux bleus étaient brillants
Et sa voix était glaciale.
Il dit : » J’ai eu une vision
Et tu sais que je suis saint et fort
Je dois obéir aux ordres. «
Il se mit donc à gravir la montagne
Moi je courais et lui marchait
Et sa hache était en or.
Les arbres se firent tout rabougris
Le lac, un miroir de dame
Nous fîmes halte pour boire du vin.
Puis il jeta la bouteille
Qui se brisa une minute après
Et sur ma main il mit sa main.
Il me sembla voir un aigle
Mais peut-être était-ce un vautour
Jamais je ne pus discerner.
Puis mon père bâtit un autel
Il regarda une fois derrière son épaule
Sûr que je n’irais pas me cacher.
Vous qui bâtissez les autels à présent
Pour sacrifier ces enfants
Vous ne devez plus jamais le faire.
Un projet n’est pas une vision
Et jamais vous n’avez eu de tentation
Ni par le ciel ni par l’enfer.
Vous qui êtes debout devant eux maintenant
Vos hachettes émoussées et sanglantes
Vous n’étiez pas là hier.
Lorsque je gisais sur une montagne
Et que la main de mon père était tremblante
De la beauté du verbe.
Et si maintenant vous m’appelez frère
Pardonnez-moi si je m’enquiers
En vertu de quelle volonté ?
Quand tout cela tombera en poussière
S’il le faut je vous tuerai
Si je le peux je vous aiderai.
Quand tout cela tombera en poussière
S’il le faut je vous aiderai
Si je le peux je vous tuerai.
Et pitié pour notre uniforme
Homme de paix ou homme de guerre
Le paon fait la roue.
The door it opened slowly,
my father he came in,
I was nine years old.
And he stood so tall above me,
his blue eyes they were shining
and his voice was very cold.
He said, « I’ve had a vision
and you know I’m strong and holy,
I must do what I’ve been told. »
So he started up the mountain,
I was running, he was walking,
and his axe was made of gold.
Well, the trees they got much smaller,
the lake a lady’s mirror,
we stopped to drink some wine.
Then he threw the bottle over.
Broke a minute later
and he put his hand on mine.
Thought I saw an eagle
but it might have been a vulture,
I never could decide.
Then my father built an altar,
he looked once behind his shoulder,
he knew I would not hide.
You who build these altars now
to sacrifice these children,
you must not do it anymore.
A scheme is not a vision
and you never have been tempted
by a demon or a god.
You who stand above them now,
your hatchets blunt and bloody,
you were not there before,
when I lay upon a mountain
and my father’s hand was trembling
with the beauty of the word.
And if you call me brother now,
forgive me if I inquire,
« Just according to whose plan? »
When it all comes down to dust
I will kill you if I must,
I will help you if I can.
When it all comes down to dust
I will help you if I must,
I will kill you if I can.
And mercy on our uniform,
man of peace or man of war,
the peacock spreads his fan.
Et le lien pour l’écouter en Version Originale: