Mercredi 27 Janvier à Montpellier,devant le monument aux martyrs de la résistance et de la déportation, et à l’initiative de la délégation régionale du CRIF Languedoc Roussillon, s’est déroulée une cérémonie très émouvante pour la commémoration du 76e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz – Birkenau. De nombreuses personnalités du monde politique, cultuel et associatif étaient présentes, dont notre président, le Docteur Fabrice Lorin et notre rabbin, M. Ytshak Benhamou.
Et ce moment assez bouleversant m’a remis en mémoire un « roman » de Modiano, Dora Bruder, consacré à l’évocation d’une jeune juive, déportée et assassinée à Auschwitz.
Dora Bruder, ouvrage publié en avril 1997 aux éditions Gallimard, et considéré comme l’une des œuvres les plus importantes de son auteur, est un récit à la fois biographique et autobiographique, tiré de l’histoire vraie de cette jeune fille juive, déportée de Drancy à Auschwitz, le 18 septembre 1942. Tombé par hasard sur son nom, dans la rubrique avis de recherche d’un vieux journal de 1941, Patrick Modiano décide d’enquêter sur elle et rapporte dans son livre les étapes de sa recherche et les données retrouvées sur Dora, entrecoupées de passages de sa propre existence et de celle de son père.
Commence un compte rendu de cette enquête, troublante, car, par certains aspects, elle se présente comme un double inversé de celle que menèrent les policiers chargés de traquer les Juifs pendant l’Occupation. La reconstitution de l’histoire de Dora se fait ainsi au fil de diverses formes d’archives découvertes par Modiano lui-même ou qui lui ont été fournies par Serge Klarsfeld notamment.
En rendant son statut de personne à la jeune femme qui aurait pu n’être qu’un personnage, l’écrivain redonne vie et dignité à tous les oubliés de l’histoire. En lui consacrant un livre et des années de recherche, il a accompli un geste symbolique qui le dépasse, il a payé sa part de la dette des survivants d’après la Shoah. Et il nous livre une œuvre forte, sensible, que l’on ne pourra lire, ou relire, sans être profondément touché.
Une plaque « Promenade Dora Bruder » a été inaugurée le 1er juin 2015 en présence de Patrick Modiano, sur le terre-plein situé dans le 18e arrondissement, entre la rue Leibniz et la rue Belliard.
Patrick Modiano, est né en juillet 1945 à Boulogne-Billancourt, d’un père juif italien et d’une mère d’origine flamande qui s’étaient connus à Paris sous l’Occupation. De ces années, émerge en lui la quête des origines, et notamment la fascination exercée par un père qui, au terme d’errements multiples, a évolué aux marges de la clandestinité et du marché noir, dans le déni de sa judéïté. Devenu écrivain, auteur d’une trentaine de romans (dont La Place de l’étoile, Un pedigree, Rue des boutiques obscures..) primés par de nombreux prix prestigieux parmi lesquels le Grand prix du roman de l’Académie française et le prix Goncourt, son oeuvre se centre essentiellement sur le Paris de l’Occupation et s’attache à dépeindre la vie d’individus ordinaires confrontés au tragique de l’histoire. En 2014, il reçoit le prix Nobel de littérature pour « l’art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables », selon les termes du secrétaire perpétuel de l’Académie suédoise Peter Englund, qualifiant l’auteur de « Marcel Proust de notre temps ».