Malgré les nombreuses supplications afin de tenter d’abolir le décret divin interdisant à Moché l’entrée en terre d’Israël, Dieu a refusé d’écouter…
« Cela suffit ! Ne Me parle plus de cela. Monte au sommet et lève tes yeux vers l’ouest, au nord, au sud et à l’est, regarde de tes yeux car tu ne traverses pas le Jourdain. » (Deutéronome 3, 26)
L’attitude de Dieu envers Moché peut paraître surprenante. Dans quel intérêt fallait-il que Moché contemple de loin la terre tant désirée ? Loin des yeux, loin du cœur… Son souhait de traverser le Jourdain ne ferait-il pas que croître davantage ? N’en serait-il pas d’autant plus affecté ?
La fonction première de l’œil est destinée à la réception des influx visuels. Sa deuxième fonction est de porter un regard sur quelque chose, le considérer.
En hébreu, la lettre « Ayin » qui signifie également œil, forme une boucle, un mouvement circulaire qui relie deux points. Cette courbe indique la réception et la projection.
Dans le récit biblique, à chaque jour de la création, il est mentionné : « Vayar Elokim ki tov », Dieu vit que c’était bien.
Dans le sens littéral, il faudrait entendre que Dieu fait systématiquement le constat que chaque élément créé est à sa place et qu’il occupe la fonction qui lui est attribuée. Le Maharal de Prague écarte cette conception erronée car il ne serait possible d’attribuer à Dieu un quelconque manque dans sa visibilité. Établir un constat sous-entend que certains éléments nous échappent. L’existence n’est possible que par émanation et volonté divine. Lorsque l’homme dresse une table, il vérifie que tout est en place avant d’y recevoir ses convives. La connaissance de Dieu est intrinsèque, rien ne lui échappe. Le Maharal explique alors que Dieu a, en réalité, projeté son regard pour que tout les éléments de la création convergent vers le « Tov », vers le sens du projet divin. Un « bon œil » influence positivement, construit et fixe la réalité.
Le « tov », le bien, c’est ce qui se dirige vers la réalisation du projet, le « rà’ », le mal, c’est ce qui fragilise, ce qui va à l’inverse du but de la création.
Avoir un « bon œil » c’est regarder la réalité de manière objective, selon la vérité et non pas selon notre vision et notre conception erronée.
Nos sages, dans le Talmud, (baba batra) nous enseigne qu’un homme n’a pas le droit de se tenir dans le champ de son voisin lorsque sa récolte est sur pied, de peur qu’il l’endommage par son mauvais regard.
Dieu a donné à l’homme la faculté de parachever l’œuvre de Sa création en dévoilant par le regard que l’on porte aux choses leur véritable dimension.
Nous comprenons dès lors pourquoi Dieu a souhaité que Moché porte son regard sur la terre d’Israël afin que celle-ci s’inscrive dans le projet divin à la dimension qui lui est propre.
Puissions-nous mériter le retour de Dieu à Sion et la reconstruction du temple de nos jours. Chabat chalom
Rabbin Daniel Knafo