Dans la paracha de Vayéchev la Thora témoigne des efforts de Réouven pour sauver Yossef du complot criminel de ses frères. Réouven dit à ses frères : « Ne versez pas de sang ! Jetez-le dans ce puits qui est dans le désert, mais ne portez pas la main sur lui. » La torah poursuit « C’était pour le sauver de leurs mains, pour le ramener à son père. »
En effet, le sauvetage de Yossef est attribué à réouven, bien qu’il n’ait finalement pas atteint son objectif puisqu’il n’a pas pu ramener Yossef à son père. Le midrach fait une remarque fascinante : « La Thora nous enseigne l’attitude à adopter ; quand une personne accomplit une mitsva, elle doit la faire joyeusement. Si Réouven avait su ce qu’Hachem allait écrire à son sujet [dans la Thora] – « Et Réouven le sauva de leurs mains », il aurait porté Yossef sur ses épaules et l’aurait ramené chez son père. »
Les commentateurs trouvent ce midrach difficile à saisir – à la première lecture, on comprend que si Réouven avait su que son acte allait être rapporté dans la Thora, il aurait fourni plus d’efforts afin de faire meilleure impression sur les innombrables lecteurs de son histoire.
Évidemment, cela ne peut pas être la réelle signification du midrach, étant donné sa vertu extraordinaire, il n’aurait certainement pas été animé par de telles motivations. Comment, dans ce cas, comprendre ce midrach ?
Rav Yaacov Kamenetsky zatsal explique que l’incident en question fut un événement capital dans l’histoire juive, qui aurait pu avoir des conséquences catastrophiques – si Yossef avait été tué, le tort causé à l’ensemble du peuple juif aurait été inestimable, parce qu’il a joué un rôle essentiel dans le développement du Klal Israël.
Quand Réouven lui sauva la vie, il savait parfaitement qu’il s’agissait d’une bonne action, mais il n’en réalisa pas la portée – un acte d’une telle importance qui soit jugé digne d’être inscrit dans la Thora pour l’éternité. S’il en avait eu conscience, il l’aurait fait avec beaucoup plus d’enthousiasme et aurait directement ramené Yossef chez son père.
Cette explication nous enseigne une leçon essentielle — chaque action, aussi insignifiante qu’elle puisse paraître, peut s’avérer primordiale et déterminante. Souvent, on n’apprécie pas la valeur et les corollaires de nos actions, comme ce fut le cas de Réouven.
Toutefois, l’enseignement que l’on peut tirer du midrach est bien plus fondamental qu’il n’en a l’air – parce qu’en réalité, la plupart de nos petits faits et gestes n’ont pas de grandes répercussions Alors comment le midrach s’applique-t-il aux milliers de choix que nous effectuons ? La réponse se trouve à la fin du midrach – de nos jours, nous n’avons plus de prophète pour recenser nos mitsvot comme dans le passé, alors qui s’en occupe ? Le midrach répond qu’Eliahou Hanavi et Machia’h les notent et qu’Hachem y appose Sa signature. Cela signifie que chaque action est d’une importance telle qu’elle est enregistrée pour l’éternité, avec pour signataire nul autre qu’HaKadoch Baroukh Hou « en personne ». Ceci nous pousse à valoriser chacune d’elles, sans prendre en compte les prétendues implications.
Que l’appréciation du pouvoir incommensurable de nos actions nous permette d’en accroître le nombre et la qualité !
(Rav Yehonathan GEFEN )