« Au commencement D.ieu créa les cieux et la terre » (Genèse 1,1).
Un principe de base du judaïsme est que la totalité de l’existence a été créée par D.ieu yesh mé-ayine, « quelque chose à partir de rien ». Cela signifie qu’absolument tout – la matière et l’énergie, l’espace et le temps, ainsi que le phénomène de l’« existence » lui-même – a été généré par le Créateur à partir d’un état antérieur de néant absolu.
Ce n’est pas seulement une vérité factuelle, cela a une profonde influence sur la façon dont nous nous percevons nous-mêmes et sur celle dont nous percevons notre existence. Cela signifie que rien, à l’exception de D.ieu, ne doit être ; qu’il n’y a pas d’axiomes, de paradigmes, de lois ou de réalités qui limitent la liberté absolue de D.ieu ; que tout ce qui est, l’est uniquement parce que D.ieu l’a fait être.
En outre, la création n’est pas un acte ponctuel, après lequel le monde existe par lui-même, comme un charpentier qui construit une armoire et qui ensuite s’en éloigne. Au contraire, D.ieu crée le monde continuellement, le faisant en permanence passer d’un état initial de néant absolu à celui d’existence et de vie. Si ce flux de vitalité devait s’interrompre ne serait-ce qu’un instant, à D.ieu ne plaise, tout reviendrait au néant absolu.
C’est là bien sûr une idée fascinante : penser que notre monde, qui paraît si solide et si présent à nos cinq sens, oscille en réalité entre le néant et l’existence à chaque fraction de temps ! Cependant, à part stimuler nos esprits et inspirer notre émerveillement mystique, cela fait-il une quelconque différence pour nous dans notre vie quotidienne ? Quelles sont les conséquences pratiques du fait que D.ieu crée le monde de nouveau à chaque instant ?
Souvent, à mesure que nous progressons sur le chemin de la vie et que nous affrontons ses innombrables défis, il nous arrive de connaître des moments de désespoir. Dans ces moments, nous semblons incapables de percevoir quelque bien en nous-mêmes ou en notre prochain, ou de discerner quelque finalité rédemptrice dans le dilemme ou la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Mais la doctrine de la création perpétuelle signifie qu’à chaque instant donné, le monde est tel qu’il est uniquement parce que D.ieu désire activement le créer ainsi. Il ne peut y avoir de situations « désespérées », ni de moments qui « n’ont pas de sens », car ce moment même, avec toutes les circonstances qui s’y rattachent, vient à peine d’être porté à l’existence à partir du néant absolu par un Créateur sensé qui est la source ultime du bien.
(Rav Yanki Tauber)