Faut-il abandonner l’ancien pour faire place au neuf ? Le choix se limite-t-il à être soit moderne, soit archaïque, ou bien peut-on être un traditionaliste contemporain ?
Plus d’une centaine d’années avant le grand Exode, Joseph avait fait jurer les enfants d’Israël de l’emmener avec eux lorsqu’ils quitteraient finalement l’Égypte. Joseph ne pouvait espérer être enterré en Israël à sa mort. Les Égyptiens n’auraient pas toléré que leur chef politique soit enterré dans une terre étrangère.
Et c’est ainsi qu’alors que tous étaient occupés à faire leurs bagages, à charger leurs ânes et à se prépare pour le Grand Trek dans le Désert, Moïse était pour sa part occupé à accomplir la promesse sacrée faite à Joseph plusieurs générations auparavant.
De fait, Joseph ne fut pas le seul à être ré-inhumé en Terre Sainte. Ses frères, eux aussi, reçurent le même honneur et le même dernier hommage. Pourtant, la Torah a seulement jugé nécessaire de mentionner explicitement Joseph. Pour quelle raison ?
La réponse est que Joseph était unique. Tandis que ses frères étaient de simples bergers qui s’occupaient de leurs troupeaux, Joseph dirigeait les affaires d’État de la plus grande superpuissance de l’époque. Être seul dans les champs, en communion avec la nature, et loin de l’agitation de la vie urbaine, on peut plus facilement être un juif. Mais être l’homme d’État le plus haut placé du pays tout en demeurant fidèle à ses traditions, cela relève d’une inspiration absolue. Joseph représente donc la tradition dans la transition. Il est possible d’être un traditionaliste contemporain. On peut concilier avec succès ces deux mondes.
Maintenant qu’ils étaient sur le point de quitter l’Égypte, les Juifs étaient confrontés à un nouvel ordre mondial. Plus d’esclavage ni d’oppression et, à leur place, la liberté. Pendant cette période de transition, seul Joseph pouvait leur servir de modèle. Ils allaient avoir besoin de son exemple pour leur montrer la voie à suivre en territoire inconnu.
C’est pourquoi la Torah mentionne seulement Joseph parmi ceux dont la dépouille accompagna le peuple. Ils avaient besoin de prendre Joseph avec eux afin que, comme lui, ils réussissent leur propre transition.
Depuis la sortie d’Égypte, nous n’avons jamais cessé d’errer. Chaque déplacement avec son lot d’épreuves. Que ce soit de Pologne vers l’Amérique ou du Maghreb vers la France, chaque transition asséna des chocs culturels à notre psyché spirituelle. Comment gagner sa vie tout en observant le Chabbat quand le patron d’usine dit : « Cohen, si vous ne venez pas samedi, ce n’est pas la peine de venir lundi non plus ! » Ce fut une épreuve de la foi qui n’avait rien de facile. Beaucoup y ont échoué. Mais beaucoup d’autres ont tenu bon et ont survécu, et même prospéré. Ce fut l’épreuve de la transition, et ceux qui prirent exemple sur Joseph purent la traverser tout en restant attachés à la tradition.
La démocratie et la culture des droits de l’homme ont rendu cet aspect de la vie juive un peu plus facile, mais les défis sont encore nombreux. Dans toutes nos transitions personnelles aujourd’hui, puissions-nous continuer à apprendre de Joseph.
(Adapté d’un commentaire de Yossy GOLDMAN)