Des racines et des ailes

« Si tu rencontres un nid d’oiseau en chemin…tu ne dois pas prendre la mère avec ses
petits. Chaléah’ téchalah’ Tu dois d’abord renvoyer la mère et seulement pourras-tu
t’emparer des petits. [Si tu fais ainsi], tu t’en trouveras bien et tu vivras longtemps. »
(Deutéronome 22, 6)
Cette mitsva est particulièrement étonnante et hasardeuse. Lorsque l’on se trouve en route
et que l’on rencontre un nid d’oiseau, la Torah nous demande, pour avoir la permission de
s’approprier les œufs ou les oisillons, de renvoyer l’oiseau mère. Il est stipulé, en
récompense de ce geste, la longévité pour la personne qui accomplit ce commandement.
Le Talmud (H’oulin 139b) comprend du mot « dérèkh », en chemin, contenu dans le verset,
que cette mitsva ne s’applique que sur la terre ferme… Ensuite la guemara expose une
problématique aux apparences burlesques mais dont la discussion soulève une question
pertinente :
« Si on trouve un nid d’oiseau sur la tête d’une personne, qu’en est-il ? Réponse : « [Il est
venu avec] de la terre sur sa tête. » (Samuel 2- 15, 32) »
L’interprétation de cet adage talmudique est la suivante :
L’homme s’appelle Adam qui vient du mot « adama » signifiant la terre. Il fut créé à partir de
la poussière de la terre et Dieu lui insuffla le souffle de vie, la « néchama ».
De ce fait, l’homme appartient à la terre, il y est enraciné et d’autre part, il se dirige vers le
ciel, vers des préoccupations spirituelles. Il est d’ailleurs la seule créature qui marche de
manière érigée.
L’homme est tiraillé entre deux mondes, celui du ciel et celui de la terre. Le monde de la
terre « érètz » représente le point de départ et le monde céleste « chamaïm », le point
d’arrivée. Le mot érètz a pour racine le mot « ratz » qui signifie le mouvement, le
déplacement. Le mot « chamaïm » est à rapprocher du mot « cham » que l’on traduit par
« là-bas », l’objectif à atteindre.
« Les pieds sur terre », l’homme marche et se déplace pour subvenir à ses besoins
matériels, avec sa tête, il plonge dans un monde spirituel raffiné et délicat.
La question soulevée par le Talmud est de savoir lequel de ces deux « lieux » est le plus
caractéristique de l’identité humaine ?
La réponse est que même sur la tête de l’homme, c’est la terre qui domine. L’homme est
catégoriquement déterminé par les réalités terrestres de ce monde. Toute occupation
intellectuelle et spirituelle est du coup restreinte par la réalité écrasante de la vie charnelle.
Toute pensée sera, dans l’absolu, dictée par les instincts primitifs et les besoins premiers de
la terre.
La Torah semble inviter l’homme à se créer une réalité tangible de détachement de la terre
et ce, avant même sa quête spirituelle et sa recherche intellectuelle.
Chabat chalom
Rabbin Daniel Knafo