LA LISTE DE SCHINDLER

LE COMMENTAIRE

Religion ou pas, on peut très bien passer sa vie en pensant qu’on n’aura jamais à répondre de ses actes. Alors on se permet de faire n’importe quoi, en confiance, sans se soucier des conséquences. On profite du jour présent au maximum: en escroquant, en violant ou en tuant. Et puis un jour le passé revient comme un boomerang. Quand on déclenche des feux, on finit par avoir des cendres sur les mains un jour ou l’autre.

LE PITCH

Un Allemand fait fortune sur le dos des Juifs.

LE RÉSUMÉ

À la veille de la 2e Guerre Mondiale, Oskar Schindler (Liam Neeson) intrigue. On le voit souvent faire la fête à Cracovie accompagné de gradés de la Wehrmacht ou de dignitaires Nazis qu’il arrose soigneusement de cognac. Il possède une usine d’émail et va trouver de la main d’oeuvre pas chère dans le ghetto de Varsovie.

Il embauche ainsi Itzhak Stern (Ben Kingsey) comme comptable et profite de ses contacts sur le marché noir pour développer son activité.

Celui qui se fait appeler « Herr Direktor » entretient de bonnes relations avec le lieutenant Amon Göth (Ralph Fiennes) qui prend le commandement du camp de travail de Płaszów. Göth est un fou sanguinaire. Il abat les prisonniers en fonction de ses humeurs. Schindler est témoin de l’horreur qui règne dans le camp et soudoie Göth afin qu’il épargne les employés de son usine.

La guerre touche à sa fin. Les Allemands battent en retraite. Göth doit fermer le camp et transférer les prisonniers vers Auschwitz. Schindler obtient de Göth, moyennant finances, qu’il libère environ un milliers de Juifs pour qu’ils rejoignent son usine de Zwittau-Brinnlitz. Durant 7 mois, l’usine ne produira que du matériel de guerre défectueux. Schindler dépense le gros de sa fortune pour s’éviter des ennuis.

En tant que membre du parti Nazi, profiteur de guerre et criminel, il doit fuir pour échapper aux Soviétiques. Il s’adresse une dernière fois à ces hommes et ces femmes qui ont survécu grâce à lui, afin d’observer une minute de silence. Les rescapés signeront un papier attestant de son rôle durant ces sombres années et lui offriront une bague en or portant une inscription en Hébreu pour le remercier.

Avant de quitter les lieux, Schindler s’excuse de ne pas avoir fait plus. Moins de 4,000 Juifs vivent en Pologne aujourd’hui. On compte plus de 6,000 descendants des Juifs de la liste de Schindler.

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L’EXPLICATION

La liste de Schindler, c’est se découvrir une conscience.

Schindler est un businessman, sans le moindre état d’âmes. Pour lui l’argent n’a pas d’odeur ou de race. Il se met bien avec les Nazis. Pas tant parce qu’ils partagent leurs idées que parce qu’ils vont devenir ses clients. Il boit du cognac avec les monstres. Il graisse des pattes car il sait comment le système fonctionne.

Les affaires forment le tissu social. Tout repose finalement sur des échanges commerciaux. Nous rendons des services aux autres pour lesquels nous sommes rétribués. C’est comme cela qu’on obtient la paix sociale. Même par temps de guerre ou le marché noir tourne à plein régime, y compris chez les Juifs qui négocient depuis le ghetto. Schindler l’a compris. Lui qui n’a jamais eu de succès jusque là profite de la guerre comme d’une aubaine.

La solution finale menace d’abord directement son business. C’est le moment où il prend conscience de la réalité de la guerre et de ses conséquences… économiques tout d’abord. S’il perd ses employés, il fait faillite. En tant qu’entreprise, il comprend qu’il ne peut pas se penser hors du monde. Il est dans le monde. Il cherche d’abord à préserver son investissement grâce à son sens des affaires et en usant de psychologie auprès de Göth le psychopathe.

Il observe ensuite ce qui se passe dans le ghetto, quand tout le monde préfère fermer les yeux. Avec consternation et dégoût, il constate les conditions de détention et les executions. Il remarque la petite fille.

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C’est le moment où il prend conscience des implications… humaines. Ses motivations semblent changer. Schindler comprend aussi que l’Allemagne va perdre. Il ne peut éviter les déportations, les morts, les charniers. mais ses juifs sont toujours en vie. Il va dépenser une fortune. Il se rend même jusqu’à Auschwitz pour réparer une erreur administrative et récupérer quelques employées – contre quelques diamants. Il se moque du business, c’est la débâcle.

Ils ont été nombreux à la fin de la guerre à chercher à retourner leur veste . Schindler, au contraire, ne s’est pas cherché d’excuses. Il a endossé ses responsabilités. Son discours fut une manière de dire à ses employés que ce n’était pas personnel, que ça n’était que du business. Ça ne l’empêchera de fondre en larmes de honte.

Les Juifs le considèrent comme leur sauveur. Il est pourtant tout sauf un héros. Il conserve néanmoins sa dignité en plaidant coupable.

Il rend hommage aux Juifs qui se sont avant tout sauvés eux-mêmes , bravant la mort au quotidien.

Les Juifs feront plus que le pardonner. Ils l’honoreront.

Schindler s’est révélé au milieu de l’horreur. Au moment où il était plus facile de baisser les yeux que de s’ériger contre la barbarie Nazie toute puissante, il a fait preuve de caractère, de sensibilité, de générosité et de détermination. Schindler n’a pas changé l’eau en vin mais il a transformé une liste de mort en liste de vie.

Alors que les valeurs s’étaient effondrées, il a eu le courage de s’affirmer comme un patron remarquable, se souciant de ses employés plus que de son profit. Il a montré dans un contexte inhumain qu’il était possible de garder son humanité. Il fut le Nazi qui aura sauvé les Juifs.

Steven Spielberg, 1993