Le cantique de la mer

 Les hébreux fuient le pays d’Égypte sous l’impulsion du Pharaon… Après être revenu sur sa décision, il pourchasse le peuple et parvient à les atteindre. Pris en étau, l’affolement des enfants d’Israël est total ! L’Eternel enjoint alors Moché d’élever son bâton au-dessus des eaux qui se fendent… 

Moché et les enfants d’Israël entonnent dès lors un cantique. 

9 cantiques ont été chantés jusqu’à présent dans le monde et il n’y en aura pas au-delà de 10. 

Au moment de la traversée de la mer, l’ensemble du peuple parvint à un niveau spirituel et un degré de révélation qui ne lui avait pas encore été révélé lors de la sortie d’Egypte. Au point où ce jour-là, les plus simples parmi les enfants d’Israël ont perçu avec plus de discernement ce que le prophète Yekhezkel avait pu entrevoir, notamment le char céleste et le trône divin. 

Ce degré d’élévation permit au peuple d’entonner d’une seule et même voix le célèbre cantique de la mer que nous récitons tous les matins dans notre rituel de prière. « Az » que l’on traduit par « c’est alors » est généralement employé pour narrer un événement passé. Par contre, le mot « Yashir » est le verbe chanter conjugué au futur.S’il est vrai que les traductions s’accordent majoritairement à traduire : « C’est alors que les hébreux chantèrent », cela ne correspond pas réellement à la traduction littérale du texte. « Az » est un terme particulier qui évoque un point dans la temporalité qui confondrait le passé et le futur pour les unifiés. Le mot Chir ( chant) renvoie à un cercle…reliant ainsi l’aboutissement de l’œuvre à son origine première. 

« Tu les feras venir et tu les implanteras sur la montagne de ton héritage, le siège que tu as réservé pour ta résidence, Hachem, le Sanctuaire, mon Seigneur, que tes mains ont établi, Hachem régnera à tout jamais ». (Exode 15, 7) 

Voici la vision prophétique que les enfants d’Israël perçoivent, cet aboutissement, un peuple établi sur sa terre et le temple de Jérusalem. 

Pourtant… Les enfants d’Israël commencent à se plaindre, ils exigent de l’eau et du pain et se lamentent amèrement en évoquant leur séjour agréable en Égypte : « Si seulement nous étions morts de la main de D-ieu dans le pays d’Égypte quand nous étions assis près de la marmite de viande, quand nous mangions à satiété, car vous nous avez fait sortir dans ce désert, pour faire mourir toute cette communauté de faim ». Comment pouvons-nous concevoir que ces individus tombent aussi rapidement dans des préoccupations si matérielles après avoir vécu tant d’expériences incroyables au moment de la traversée de la mer des joncs ? 

D’autant plus que D-ieu ne les accusera pas, au contraire il va répondre positivement à toutes leurs revendications. Ils auront à boire et à manger ! 

« Si il n’y a pas de farine, il n’y a pas de Torah ». (Maximes des Pères) La construction spirituelle d’un individu est particulièrement complexe. Dans cette aspiration spirituelle puissante et ce mouvement d’ascension de l’être, il nous sera difficile de faire l’impasse sur l’aspect matériel de notre réalité. 

Au moment de la traversée de la mer, les Enfants d’Israël accèdent à quelque chose d’exceptionnel d’un point de vue spirituel. Leur âme risquait de se déconnecter littéralement de leur corps. C’est justement à cet instant que le corps se manifeste pour exiger son dû en

leur rappelant qu’il fait partie intégrante du programme divin et que nous avons également le devoir de subvenir à ses besoins. C’est dans cette optique que D-ieu demandera de placer une part de manne dans l’Arche Sainte à côté des Tables de la Loi. 

Chabat Chalom 

Rabbin Daniel Knafo