Les anonymes écrivent l’histoire

Nous entamons le deuxième livre du pentateuque, celui que l’on nomme Chemot et que l’on
aurait dû traduire par les « noms ». Pourtant, il sera nommé dans la traduction latine par le
livre de l’Exode…
Hormis les noms des tribus d’Israël cités dès le début de la Paracha, la plupart des
protagonistes, ayant un rôle central dans l’écriture de l’histoire, sont évoqués de manière
anonyme…
À l’instar de Chifra et Poua, les deux sage-femmes hébreux, qui, selon la tradition,
correspondent à Yokheved et Myriam et parviennent ainsi à perturber le projet du nouveau
Pharaon qui ne connaissait pas ou plus Yossef… Amnésie volontaire ?
Le Talmud relate la discussion de deux grands maîtres, Rav et Chmouel et proposent ces
deux interprétations différentes.
La première consiste à considérer que le Pharaon qui avait nommé Yossef au titre de vice
pharaon est décédé.
La seconde interprétation affirme qu’il il ne s’agit pas d’un nouveau roi mais d’un
changement radical de sa politique intérieure et du lien qu’il entretient avec les hébreux.
Cette dernière interprétation ne manque pas de nous étonner. Comment un homme peut-il
en arriver à faire preuve d’autant d’ingratitude envers celui qui a redressé le pays du
dénuement le plus total ?!
Le cheminement psychologique de l’homme est particulièrement complexe… Il n’aime pas
se sentir redevable, cela lui procure un sentiment de dépendance qu’il a du mal à admettre.
Dans sa constitution, il cherche à frelater et effacer toute trace pouvant évoquer sa
faiblesse.
Pour cela, il lui faut établir et construire psychiquement un argument qui soulagerait sa
conscience lui permettant de justifier son comportement… Dans le cas de Yossef, Pharaon
affirmait que ce dernier avait largement profité de la situation et que le pays ne lui devait
plus rien.
Il put sortir de prison, devenir vice-roi et accroître fortement sa richesse…
Voici comment ces « anonymes » changèrent le cours de l’histoire en risquant leur vie.
Un « homme » de la maison de Lévy se maria à une « femme » de la maison de Lévy…
L’enfant, le libérateur est né…
Chifra et Poua, dont l’identité n’est pas révélée, ouvrent le chemin de la libération en
refusant de tuer les « garçons » à la naissance; elles brisent la fatalité ! C’est cet acte acte
de désobéissance par crainte divine qui constitue le point de départ du processus de
libération.
Chabat Chalom !
Rabbin Daniel Knafo