La Torah nous relate les derniers événements qui conduisirent à la libération d’Israël de l’esclavage en Égypte. Lors de cette nuit fatidique, D.ieu porta le dernier coup aux Égyptiens en frappant les premiers-nés de chaque foyer égyptien tout en épargnant les premiers-nés juifs, ce qui précipita leur complète capitulation.
« Ils [les Israélites] prendront un peu de son sang [celui du sacrifice de l’agneau pascal] et le placeront sur les deux montants et sur le linteau de la porte de leur maison… Quand Je verrai le sang, Je passerai par-dessus vous ; il n’y aura pas de plaie destructrice sur vous quand Je frapperai la terre d’Égypte. » (Exode 12, 7-13)
Une simple question : D.ieu avait-Il vraiment besoin d’un signe pour savoir quelle maison était habitée par des Israélites et laquelle ne l’était pas ?
Et bien, suggèrent certains, D.ieu n’avait peut-être pas besoin d’indications supplémentaires, mais, en cette nuit si mouvementée, peut-être le Malakh HaMavet (l’Ange de la Mort) a-t-il, lui, eu besoin de signes distinctifs lorsqu’il parcourut la ville dans son raid exterminateur.
Mais soyons réalistes. Il ne s’agit pas d’un film hollywoodien dans lequel le tueur se trompe de victime. L’Ange de la Mort n’avait pas besoin de regarder les noms sur les boites aux lettres pour savoir où frapper. Donc, la question reste posée : pourquoi fallait-il étaler le sang du sacrifice sur la porte ? Et, tant qu’on y est, pourquoi la porte ? Pourquoi pas la fenêtre, la terrasse ou le toit ?
Prenons un instant pour analyser le concept – le symbolisme – de la porte. La porte crée l’intimité, en plus d’assurer abri et protection. La porte est ce qui sépare la personne publique de la personne privée, l’être extérieur de l’être intérieur. C’est dans l’intimité du logis que toutes les apparences et toutes les inhibitions tendent à disparaître, permettant au meilleur (et parfois au pire) de ce qu’une personne a à offrir, de faire surface.
Notre Judaïsme nous interpelle et nous demande : quelle sorte de portes avez-vous ? Que se passe-t-il à l’intérieur de ces portes ? Règne-t-il un esprit de sainteté par-delà une fois franchi ce seuil ? Y a-t-il des livres juifs sur les étagères ? Y a-t-il des produits cachères dans les placards et dans le réfrigérateur ? Le Chabbat et les fêtes juives y sont-ils célébrés avec joie, sens et profondeur ? Y partage-t-on des paroles de Torah ? Y récite-t-on des prières ? Seuls vous et le Tout-Puissant connaissez vraiment la réponse à ces questions.
Notre Judaïsme nous demande : quelle sorte de portes avez-vous ? On discute beaucoup sur le fait que les Juifs ne devraient pas avoir honte de se comporter comme des Juifs à l’extérieur, mais il convient de réfléchir parfois à la nécessité de ne pas négliger notre Judaïsme à l’intérieur – là où il compte réellement.
Ainsi donc, pour quelle raison les Israélites marquèrent-ils leur porte avec le sang du sacrifice pascal ? Ce n’était pas pour signaler leur maison. C’était leur témoignage qu’ils étaient réellement prêts à quitter l’Égypte. Ils étaient dévoués – à l’intérieur comme à l’extérieur – à D.ieu et à Moïse, au point d’aller jusqu’au sacrifice de leur personne. Et c’est la raison pour laquelle leurs maisons étaient inaccessibles à l’Ange de la Mort. Car le sang sur les portes était là, non pour D.ieu ou pour Son messager, mais pour les Israélites eux-mêmes qui avaient finalement compris ce qui sépare un Juif d’un Égyptien. Tout est dans la porte qui fait la jonction entre l’intérieur et l’extérieur.
(Rav Moché Bryski)