Parachat Pin’has

L’être humain est attiré par l’inhabituel. On peut tenir le raisonnement que ce sont les choses routinières de la vie : l’inspiration et l’expiration d’air, nos repas quotidiens, notre vie domestique, notre travail, qui sont cruciales dans notre existence alors que les choses « spéciales » ont un impact moins important. Mais notre nature veut que l’occurrence d’un événement particulier en fait « l’occasion » alors qu’un événement attendu perd son intérêt et son sens. 

C’est pourquoi la Torah dans la paracha de cette semaine délègue les aspects variés de notre relation avec D.ieu aux Moadim ou « moments particuliers ». En effet, la Torah nous indique les moments importants : chabbat, Roch ‘Hodech, les grandes fêtes de l’année etc.   

Un jour par semaine est désigné comme moment particulier pour « se souvenir… que le monde a un Créateur » et « pour établir dans nos cœurs la croyance en la création du monde par D.ieu en six jours ». Il nous est commandé : « Rappelle toi le jour où tu es sorti d’Egypte tous les jours de ta vie » et pourtant, une fois par an la fête de Pessa’h est l’occasion marquée pour se consacrer et intérioriser le don de la liberté. Et ainsi en va-t-il avec les autres Moadim du calendrier juif : si ce sont des jours « spéciaux » dont le message et la portée donnent une impression durable sur nos âmes, ils doivent être des jours occasionnels, des détours de la routine de notre vie. 

Nos Sages vont jusqu’à dire : « celui qui récite le Halel chaque jour commet un blasphème ». Le Halel est une prière de louanges et de remerciements à D.ieu pour les miracles qu’Il a accomplis pour nous et que l’on récite lors des fêtes ou d’autres jours spécifiques. Mais il ne nous est pas enjoint de remercier D.ieu « pour les miracles que Tu accomplis pour nous chaque jour ». Pourquoi donc réserver le Halel pour les jours qui commémorent la sortie d’Egypte ou le miracle de l’huile qui brûla huit jours ? Chacun de nos battements de cœur n’est-il pas un miracle et tout aussi digne de reconnaissance et de gratitude ? 

En vérité, réciter le Halel tous les jours serait comparable à ne pas le réciter du tout. Il est sûr que notre vie « routinière » doit être imprégnée d’une prise de conscience et d’un sentiment de gratitude à l’égard de notre Créateur; c’est à cette fin que le Juif prie trois fois par jour, le matin, l’après-midi et le soir. L’intérêt particulier du Halel est que, outre qu’il constitue un ajout à nos prières quotidiennes, il nous permet d’exprimer lors de certaines occasions une appréciation « spéciale » des miracles divins, une spécificité qui perdrait inévitablement sa force si la récitation du Halel devenait une routine purement quotidienne. 

En fait, les concepts même de « monotonie » et d’« ordinaire » sont une illusion résultant de notre inaptitude à voir au-delà des limites de la nature humaine. En réalité, la diversité des jours des mois et des années, ne consiste pas à en voir la différence entre un jour et un autre  mais la qualité inhérente de chaque jour ! En fait, chaque moment de la vie est une création distincte de D.ieu, renfermant un potentiel unique, spécial et indispensable qui ne peut être supplanté par rien d’autre.