Un pas de côté


Entre impatience, empressement, lassitude et l’exaspération, cette fois-ci, la délégation des
explorateurs adopte une attitude pour le moins douteuse, celle de la temporisation. Au
moment le plus attendu, celui de la réalisation de la promesse d’entrer en terre de Canaan,
l’assemblée d’Israël semble manifester de l’hostilité au projet…
Au terme de 40 jours d’un voyage de découverte, le rapport calomnieux des explorateurs
entraîne le refus de la terre qui est considéré comme une faute impardonnable. Leur simple
regard a causé la perte de l’ensemble de la génération du désert et est à l’origine de tous les
événements tragiques que nous commémorons à la date du 9 Av.
Qu’ont-ils vu ? Ou plutôt, que n’ont-ils pas vu ? Qui sont ces Meraglim ? Ces princes de
tribus sont-ils les héritiers de leur père, les frères de Yossef, traités de Meraglim, accusés
d’être venu voir la “nudité de la terre” ?!
La Paracha se termine par le passage du commandement des Tsitsit, ce regard que l’on doit
poser sur les franges des coins de notre vêtement : « Vous le verrez et vous vous
souviendrez de toutes les Mitsvot de Dieu et vous les réaliserez afin que vous ne vous
égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entraînent à l’infidélité ».
(Nombres 15, 39 )
Selon la tradition, la descendance de Shem a mérité le Tsitsit du fait d’avoir couvert la nudité
de son père Noa’h, en état d’ébriété dans sa tente, en marchant à reculons, exprimant son
refus de porter le moindre regard impudique.
Le regard que l’on porte sur l’autre nécessite un certain retrait et la reconnaissance qu’il est
toujours partiellement voilé, qu’ il ne peut pas être appréhendé dans sa “pleine nudité”.
Shem a fait preuve de pudeur, en couvrant son père, il pose un voile symbolique qui lui
permet de ne pas le regarder dans une vision absolue mais reconnaît qu’il lui échappe
toujours un peu, qu’il ne l’atteindra jamais complètement. Etymologiquement, le mot Tsitsit
vient du verbe Léatsits qui exprime une vision partiellement entravée. c’est par cette vision
entravée, cette approche graduelle que l’on peut se mettre en chemin vers l’autre et aller à
sa rencontre.
« Vous Le regarderez » et non pas « vous les regarderez », (les franges). On peut regarder
dans la direction du divin mais l’on se doit de le laisser dans l’inaccessible et l’infini, dans
une perception partielle.
En demandant aux explorateurs : « Vous regarderez la terre », Moché les invite à avoir un
regard entravée et imparfait, à prendre conscience que la dimension sacrée de la terre
d’Israël ne peut pas être perçue dans sa nudité.
Chabat Chalom
Rabbin Daniel Knafo