Il existe une coutume juive pensée par tous comme tunisienne et constantinoise de célébrer la fête des garçons, le jeudi soir de la semaine de la Paracha Yitro.
Au menu : poulet ou coquelet rôti, bouillon de poule pour certains, Minina ou Méguina qui n’est autre qu’une grosse omelette, pâtisseries et pièce montée avec ses choux à la crème caramélisés etc. Mais connaissons-nous réellement l’origine de cette célébration et n’est-elle propre qu’aux seuls juifs d’une région géographique en particulier ?
Afin de répondre à ces questions, voyons ensemble quelques points importants constituant l’historique de cette coutume :
L’origine la plus connue de cet usage est l’histoire d’une grave épidémie de jaunisse ayant sévi en Tunisie et à ses frontières au début du 19ème siècle, qui aurait infecté les petits garçons en mettant leurs jours en danger. Rabbi Its’hak ‘Haï Taïeb Lo Met (1743-1837 de l’ère vulgaire), pour contrecarrer la pandémie, demanda de faire boire aux enfants des bouillons de pigeons et de placer un pigeon vivant sur le ventre des enfants malades. Par ce dernier procédé, la jaunisse fut transmise du foie des enfants vers celui des pigeons qui moururent à la place des chérubins. La contagion aurait été éradiquée la veille de Chabbath Yitro…
Depuis, chaque année, en signe de reconnaissance, les juifs de Tunisie et certains constantinois à cette occasion ont eu pour coutume de célébrer ce miracle en dressant une belle table en vue d’une Séoudat Hodaa (repas de remerciement), dégustant bouillons et rôtis de pigeons, pâtisseries (yoyo), Minina et pièce montée. De nos jours, les pigeons étant malades, ils ont été remplacés par les poulets.
Cependant, aucune trace écrite de cette histoire n’a été rapportée par les Rabbanim de l’époque. Cela dit, selon les historiens, il subsisterait plusieurs traces de l’existence d’épidémies de diphtérie avec croup et jaunisse durant cette période, mais sans en faire le détail exact.
Toutefois, la transmission orale rapporterait aux noms de grands maîtres que l’événement eût bien lieu mais que le Rav Its’hak ‘Haï Taïeb Lo Met, par pudeur, refusa qu’on le mette à l’écrit pour ne point dévoiler au grand public qu’il fut méritant du dévoilement d’Eliaou Hanavi…
L’ensemble des maîtres, connaissant la grandeur et les mérites de ce grand Tsadik, n’osèrent guère contredire le Rav sur ce point et ainsi éludèrent cet événement dans leurs ouvrages. Tous rapportèrent néanmoins que ce fut par le mérite du don de la Torah et de la tradition du repas de Yitro (en réalité bien antérieure à l’apparition de l’épidémie) que le miracle eut lieu (cf. introduction du livre Aroukh Hachoul’hane du cousin de Rabbi Its’hak ‘Haï Taïeb Lo Met, le Rav Its’hak Taïeb, Grand Rabbin de Tunisie de l’époque, Editions Eliezer Sadoune de Livourne).
Il nous faut élucider ce dernier point : certains ‘Hassidim tels que les vieilles familles Loubavitch d’origines ashkénazes ou encore les ‘Hassidé Belz, Vijznits et autres, tous ashkénazes et sfard (et non séfarades), ont pour habitude de célébrer la Séoudat Yitro le vendredi matin, la nommant le repas de remerciement pour le don de la Torah et fête des garçons ! Seraient-ils tunisiens ou auraient-ils des origines tunisiennes ? Pas du tout !
Il est rapporté dans le Midrach qu’après le don de la Torah, Yitro arriva avec la femme et les enfants de Moché. Un grand repas fut dressé le jeudi soir dès son arrivée jusqu’au petit matin pour célébrer le don de la Torah par Yitro déjà converti au judaïsme. Tous les hommes furent conviés. Yitro expliqua à Moché l’importance de déléguer les responsabilités à des juges, et aux hommes l’importance de l’étude de la Torah et de sa compréhension (cf. Midrach Rabba et Chémot 18, 21).
C’est de là que provient réellement l’origine de la tradition du repas de Yitro et de la fête des garçons, en rappelant que ce festin est l’une des raisons du nom de la Paracha Yitro qui traite du don de la Torah et des Dix Commandements, la Séouda dressée par Yitro prouvant son amour pour l’Eternel et la Torah !
Le Maharcha, grand commentateur ashkénaze de la Guémara, nous rapporte dans le traité Méguila qu’il sera bon la semaine de Yitro, le jeudi soir ou vendredi matin, de partager un grand repas afin de remercier l’Eternel pour le don de la Torah en expliquant aux garçons l’importance de l’étude de la Torah dont ils ont l’obligation.
Une étude qui assurera la pérennité de leur judaïsme et de leur foi en D.ieu sur le modèle de la Séouda dressée par Yitro au mont Sinaï avec Moché et les Sages d’Israël…
Certains commentateurs rapportent qu’en souvenir de cette Séouda, il sera bon de consommer de la volaille en souvenir du miracle des pigeons venus manger la Manne déposée durant Chabbath à l’extérieur du camp par les mécréants Dathan et Aviram, qui cherchaient à mettre à l’épreuve la grandeur de l’Eternel et les enseignements de Moché.
1. Dégustation de bouillon ou rôti de volaille en souvenir de l’épisode de la Manne et des oiseaux, ainsi que du traitement mis en place par Rabbi Its’hak ‘Haï Taïeb Lo Met contre la pandémie.
2. Il est notoire que la Minina ou Méguina ainsi que les yoyos et pâtisseries, dégustés à toutes les occasions chez les juifs d’Afrique du Nord, sont préparés en souvenir du sacrifice Min’ha fait en signe de remerciement à l’Eternel. Une offrande composée de farine, d’huile et d’œufs constituait ainsi une omelette ou une pâtisserie frite menée à l’Autel des sacrifices au Temple (ce qui constituait aussi le sacrifice du pauvre).
3. La pièce montée en souvenir du mont Sinaï fleuri où coulait le lait et le miel au moment du don de la Torah. Une pièce montée souvent garnie de fleurs en pâte d’amande, avec des choux fourrés à la crème représentant le lait (vu qu’il serait difficile de consommer des produits lactés avec de la volaille de par l’interdit) et caramélisés en souvenir du miel.
4. Les tables sont souvent ornées de petits ustensiles dorés et d’étoffes de couleurs pourpre, bleu ciel, doré, en souvenir des tentures et des ustensiles utilisés au Beth Hamikdach (Temple) ainsi que des vêtements du Cohen Gadol (Grand Prêtre).
Un Temple bientôt rétabli par le mérite de l’étude et l’accomplissement des Mitsvot de nos fils, leur femme et enfants (ces codes de couleurs seront repris au moment du henné pour les mêmes raisons).
Ainsi, en ce jour, tunisien ou non, il sera bon de considérer nos garçons comme de véritables rois autour du don de la Torah, afin de leur communiquer l’envie de l’étudier et de l’observer. Ceci préservera leur judaïsme et celui de leur descendance. Amen !
On vous rassure, il existe aussi la fête des filles célébrée le huitième jour de ‘Hanouka, mais cela est une autre histoire que nous publierons en temps et en heure.Rav ‘Haïm ISHAY – © Torah-Box